Il est bon, il est doux de faire circuler les mots de ceux qu’on aime, qu’on a aimé.
Les mots, l’écriture, l’art sont des véhicules de l’esprit, de ce qui nous anime, de ce qui nous rend éternellement vivant et présent au monde.
°¨¨°³º¤£(¯`•. LES COINS.•´¯)£¤º³°¨¨°
" Quel est l’endroit de la maison le plus propice à l’évasion et à la rêverie ? L’endroit où, libéré que vous êtes de toute contingence matérielle, vous laissez vagabonder votre esprit parmi les coquelicots et herbes folles d’un monde extraordinaire.
Pour certains ce sera la chambre mais pour la majeur partie d’entre vous ce sont les toilettes avec leur papier à fleurs et leur bonne odeur d’ « Harpic W-C » et de « Oust Fraîcheur Légère ».
L’esprit est ainsi fait qu’il est perpétuellement (et souvent à notre insu), à la recherche d’un « mieux être »
C’est pourquoi, confortablement installé vous ouvrez tout naturellement la porte de votre conscient, histoire de lui faire prendre l’air.
C’est alors que vous allez entamer une promenade parmi les arabesques fleuries du susdit papier peint et là, par hasard, au détour d’une forme pseudo-végétale inconnue de toutes les flores éditées à ce jour, vous rencontrez un visage qui n’est pas sans vous rappeler celui de votre beau-frère.
Et plus vous le regardez plus il lui ressemble !
Mais attention c’est un malin.
Si par mégarde vous décrochez votre regard de cet être fantomatique, il disparaît et se cache à nouveau parmi la jungle luxuriante et murale.
Et là bonjour pour le retrouver !
Qu’à cela ne tienne, votre nouvel univers est assez vaste pour que votre regard reparte dans son vagabondage, glissant tout naturellement du porte revues (avec ses vieux numéros de Science et Vie et l’immanquable catalogue Ikea) au carrelage où vous n’aviez jamais remarqué le minuscule éclat dans l’angle supérieur gauche du quatrième carreau en partant de la porte...
La porte. Elle aussi est un monde inconnu, tant il est rare de l’observer d’un autre point de vue que celui que vous occupez en ce moment.
Jamais vous n’aviez remarquée cette coulure de peinture sous le gond en bas à gauche telle une rivière serpentine qui vous invite à canoter le long de ses rives.
Votre regard descend encore un peu et vous arrivez au raz du sol dans un angle à trois dimensions délimité par le sol, le mur de gauche et celui du monde Porte qui vous fait face.
Vous êtes fasciné par ce volume ouvert qui vous attire et semble vous appeler pour jouir comme lui d’un point de vue exceptionnel sur votre réduit sanitaire, comme s’il était doté d’un objectif fish-eye.
Pourtant ce n’est qu’un coin.
Vous réalisez tout à coup qu’il n’est pas seul, il en est un identique à droite de la porte puis deux autres à la limite du plafond et à présent vous savez que si vous pouviez vous retourner vous en dénicheriez quatre supplémentaires sur le mur du fond…
Mentalement vous traversez le monde porte et vous projetez au dehors (votre premier voyage astral ?), et là dans le couloir, semblant endormis depuis des décennies, vous comptez encore une douzaine de coins (oui, il y a un coffrage de descente d’eau sur le mur de droite).
Vous passez dans la cuisine et là le vertige vous prend : Comment n’aviez vous jamais remarqué les dix-huit coins qui vous observent depuis tant d’années ?
Mentalement vous faites le compte : vous en êtes déjà à trente-huit coins pour une pièce, un couloir et les W-C !
Vous faites une moyenne rapide et votre appartement étant composé de douze volumes (tout confondu y compris entrée dégagements et placards). Vous en arrivez à cent cinquante deux coins dans votre seule habitation !
Combien y a-t-il de logements dans votre ville ?
Voyons, 40.000 habitants à une moyenne de trois personnes par appartement, cela nous donne environ 13.000 habitations soit plus de deux millions de coins !
A cela il faut ajouter tous les édifices à vocation commerciale ou administrative tels que magasins, hôpitaux et autre mairie ou ANPE.
Tout ceci correspondant au moins à vingt pourcent du nombre d’habitations.
Vous arrivez à deux millions cinq cent mille coins rien que dans votre commune !
Vous n’osez tenter de calculer ce que cela donnerait à l’échelle mondiale…Et puis…
Non ! Vous réalisez tout à coup qu’il y a aussi des coins saillants…
Mais si vous savez, l’angle de la hotte aspirante sur lequel vous vous cognez le front systématiquement dès que vous vous approchez un peu trop de la gazinière.
Tous ces coins agressifs, ils sont légion, ils sont partout, sur le moindre meuble, le moindre objet.
Ils sont encore bien plus nombreux que les précédents.
C’en est trop, tel un film accéléré passé à l’envers, vous réintégrez votre corps encore abasourdi de votre découverte.
Le temps de réadapter votre vision au décor, vous allez pour sortir de la pièce magique et une question vous assaille :
Et si on n’avait pas inventé le fil à plomb, l’équerre, et le niveau à bulle, y aurait il des coins ? "
« Ceux que l’on a perdu sont invisibles mais pas absents » Victor Hugo
Tant mieux, ça me fait d'autant plus plaisir que, comme tu l'auras compris, ce texte n'est pas de moi. Bienvenue sur Graines d'histoires Agnès!
Je me suis régalée, râlant que mon petit coin soit si pauvre... Bon, mais il y en a d'autres !