18. Translucide
Il en va des êtres comme des choses.
Certains sont sombres et opaques.
Indéchiffrables, impénétrables, rien de visible à la surface, ils laissent planer un mystère insondable, inaccessibles quoiqu’on fasse.
D’autres, au contraire, sont ouverts et solaires.
Translucides, laissant passer la lumière, ils ne craignent pas de s’exposer à découvert.
Comme les facettes d’une même pièce, parfois pile, parfois face, l’Homme est un être sibyllin et complexe.
19. Agripper
à mes enfants
Un cri.
LE cri !
Et enfin la chaleur de son petit corps rosé emmaillotté dans cette grenouillère un peu trop grande pour lui tout contre mon corps fatigué mais comblé, ses yeux à la couleur indéfinie, à peine ouverts sur le monde qui vient de l’accueillir, dans mes yeux embués ; son petit visage fripé qui parfois se crispe, tout contre le mien de larmes de joie, inondé et sa petite main potelée agrippant mon doigt avec fermeté comme une promesse d’éternité… Mon enfant, mon amour est né.
20. Tribune
Mes nuits étaient émaillées de cauchemars.
En plein jour tous mes doutes se dissipaient, c’était sûr, j’y arriverai. L’exercice était périlleux mais mon avenir en dépendait.
Et c’était aujourd’hui que ça se jouait.
Cette tribune pouvait faire basculer ma vie professionnelle aux oubliettes ou me porter au sommet.
Garder le contrôle et maitriser l’émotion, ma pire ennemie.
Pourvu que mon corps ne me trahisse pas.
Transpiration excessive, bafouillage, jambes flageolantes et tous ces signes de faiblesse affichée me seraient fatal.
Dans quelques minutes, ce sera mon tour.
Dans mon cerveau tournant en roue libre et qui bourdonne à mes oreilles j’entends une voix feutrée qui m’appelle.
C’est maintenant.
Mon cœur bat à tout rompre.
Respire.
21. Eblouir
Chaque année je m’y rendais.
Pour éduquer mon œil, nourrir ma connaissance, apprendre et m’émouvoir. Ce rendez-vous incontournable de l’Art tenait pour moi lieu d’école du savoir, l’un des cours magistraux d’une artiste en herbe autodidacte.
C’est lors d’une de ces éditions que je découvris l’œuvre de Rustin.
Un choc !
Je restais là, pantoise et éblouie, envahie par l’émotion, le cœur battant et les jambes flageolantes.
Sur un fond gris où la trace de la brosse était volontairement grossière se tenait debout un homme nu, frêle et hagard, le regard perdu dans le vague et le pantalon baissé en tirebouchon sur ses chevilles.
Aujourd’hui encore, 30 plus tard, quand je le revois, il suscite toujours en moi le même émoi.
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