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     Graines d'histoires

Photo du rédacteurMarie Wermuth

La salle d’attente

Mardi 16h30, salle d’attente de mon médecin généraliste, 2 personnes présentes.


Prête à fuir ou impatiente d’en finir, une vieille dame, tête baissée, est assise sur le bout de sa chaise.

En face de moi, un homme en bermuda et claquettes à la mine renfrognée surfe sur son portable en toussant, nous faisant généreusement don de ses microbes sans aucun complexe ! A deux doigts de le tancer mais sans m’y résoudre pour autant, je m’évertue à lui lancer des regards noirs et appuyés dans l’espoir que le message passe…sans succès…. jusqu’à ce qu’il disparaisse dans le cabinet de l’autre médecin.

La vieille dame est elle aussi appelée pendant qu’une autre prend sa place sur un bonjour discret.



Mon médecin est en retard, comme d’habitude mais je prends mon mal en patience…après c’est mon tour !


Depuis l’entrée,

l’arrivée tonitruante d’une nouvelle patiente se fait entendre.

Elle parle fort mais

à qui parle-t-elle ?

A la secrétaire, à tout le monde, à personne ?


La voilà qui entre, se pose en face de moi, le verbe haut à la cantonade, se demandant quelle heure il est, si elle ne s’est pas trompée d’horaire, de jour, vérifiant son portable qu’elle dit être tout nouveau, le faisant sonner au volume maximum tout en s’excusant de ne rien comprendre à son fonctionnement enchainant qu’elle est comme ça et qu’elle l’a toujours été, qu’elle a 78 ans et qu’elle vit seule, qu’elle parle à tout le monde quand elle sort, ceci expliquant cela et puis que c’est comme ça !

Elle ne s’adresse à personne en particulier mais le message est clair, elle est open !


L’autre femme, assise deux chaises plus loin, baisse la tête, tentant ainsi de se soustraire à sa vue.

N'ayant pas vraiment envie de lui donner la réplique malgré cet appel appuyé d’un besoin de communication débordant, je plonge moi aussi mon regard au sol, espérant échapper au tsunami verbal.


Mais, peu sensible à mon message subliminal, la voilà qui me complimente sur ma tenue et mon chapeau, me révélant qu’elle a été modiste mais pas que…qu’elle a eu plusieurs métiers (elle rit) , qu’elle a travaillé dans des écoles, et qu’elle a toujours été une femme engagée, humaniste, toujours au service des plus démunis contre les puissants de ce monde, que la politique c’est de la merde (elle rit) et qu’ils sont tous à mettre dans le même panier, mais qu’elle s’en fout, elle, elle mène son petit bonhomme de chemin, qu’elle a toujours fait ce qu’elle voulait et que c’est pas à 78 ans que ça va changer (elle rit) mais qu’au passage, elle aime bien notre médecin mais c’est quoi ces affiches qui appellent à manifester pour le corps médical, ah oui, l’augmentation du prix de la consultation, c’est vrai que franchement c’est une honte, 25 € avec toutes ces années d’étude mais quand même elle est toujours en retard et puis aussi elle trouve que je suis sympa, elle aime bien ma façon de m’habiller, elle voit bien que je suis une femme libre et libérée (elle rit) mais du coup, il est quelle heure-là ? et ce nouveau téléphone auquel elle ne comprend rien ça l’énerve, d’ailleurs ce monde est devenu fou, et ce tremblement de terre au Maroc, quelle catastrophe, cette planète part en cacahouète….


Madame Wermuth ...

C’est à moi !

Libérée, délivrée ?


Malgré les quelques pauvres onomatopées que j’ai réussi à placer dans cette logorrhée, j’ai finalement vite lâché mes défenses et me suis laissé aller à l’écouter avec plaisir !

Sa pulsion de vie communicative, ses propos intelligents et pas si décousus finalement, sa soif de communiquer, ses rires…mais aussi sa solitude….tout en elle m’a touché, m’a ému et ces quelques minutes, denses, en son exubérante compagnie ont suspendu le temps et fait de cette attente un joli moment !

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